30 ans de la filière Pharmacie-Ingénieur : Portrait de Léo-Paul Tricou, étudiant en 6e année
À l’occasion du 30e anniversaire de la filière Pharmacien-Ingénieur de l'Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologique (ISPB) - Faculté de Pharmacie de Lyon de l’UCBL, découvrez le portrait de Léo-Paul Tricou, étudiant en 6e année, actuellement en stage dans le laboratoire du Prof Benjamin R. Freedman au département de chirurgie orthopédique du Beth Israel Deaconess Medical Center à Harvard Medical School.
Pour quelles raisons avais-tu choisi cette double formation ?
Comme j’aimais beaucoup la SVT au lycée et que la majorité de mes frères et sœurs avaient fait une École d’Ingénieur, une formation d’ingénieur spécialisé en biologie me semblait évidente. Toutefois, j’ai découvert la filière Pharmacie à un salon étudiant et la possibilité de suivre une formation d’ingénieur en parallèle à Lyon, puis au Canada à Polytechnique Montréal. Séduit par la double-formation, le challenge qu’elle représentait, et les nombreux débouchés qu’elle offrait, la filière Pharma-Ingé me semblait être le meilleur compromis. Bon, je dois aussi avouer que la PACES était la seule formation qui m’avait acceptée sur ParcourSup, donc je n’avais plus vraiment le choix que de m’y lancer… (pour le mieux finalement !)
Quel a été ton parcours depuis le début de ton entrée dans la double formation ?
L’été suivant ma 3ème année de Pharmacie, j’ai eu la chance de pouvoir réaliser un stage d’initiation à la recherche avec le Dr Jérôme Josse au Centre International de Recherche en Infectiologie de Lyon (CIRI). Après avoir soutenu ma Thèse d’Exercice de Pharmacie l’année suivante sous sa direction, je me suis envolé pour le Canada afin de suivre une formation d’Ingénieur en Génie Chimique à Polytechnique Montréal avec comme objectif de gagner en expérience de recherche.
Pendant mes deux années à Montréal, je me suis engagé en parallèle de mes cours dans plusieurs laboratoires à Polytechnique Montréal, à la faculté de Pharmacie de Montréal, et dans la startup RNA Technologies and Therapeutics. J’ai pu y découvrir le génie biomédical et en particulier les biomatériaux pour la guérison des plaies chroniques, la mécanique des tissus et les nanotechnologies basées sur la livraison d’acides nucléiques.
Aujourd’hui, où en est ton parcours ?
Aujourd’hui, dans le cadre de mon stage de fin d’études, je suis chercheur dans le laboratoire du Prof Benjamin R. Freedman au département de chirurgie orthopédique du Beth Israel Deaconess Medical Center à Harvard Medical School, où on développe des biomatériaux innovants adhésifs pour régénérer les tissus musculosquelettiques. Plus précisément, on s’intéresse aux impacts du vieillissement sur la physiologie et les propriétés mécaniques des tendons pour développer des hydrogels adhésifs permettant à la fois un support structurel et la libération locale d’agents bioactifs (médicaments, protéines, cellules) en vue de leur guérison.
Qu’apporte, selon toi, ton double parcours ISPB-Ingénieur pour l’exercice de tes fonctions actuelles ? Quelles compétences spécifiques t’a-t-il permis d’acquérir ?
Cette double formation m’apporte énormément dans mon approche vis-à-vis des problématiques de recherche que j’essaie de résoudre car elles sont très multidisciplinaires. Par exemple, un des avantages de la filière Pharmacien-Ingénieur est qu’elle permet de nous former à la fois à la compréhension des systèmes biologiques et non-biologiques respectivement, ainsi qu’à leurs interactions entre eux. Mes sujets de recherche étant au carrefour de la science des matériaux polymères, de la rhéologie, de la chimie, de la biologie cellulaire, de l’immunologie, et de nombreuses autres disciplines, ce double parcours m’a donné des clés essentielles pour aborder, comprendre et explorer ces thématiques complexes.
Un autre point que j’aimerais soulever est qu’avec la montée de l’intelligence artificielle dans la recherche qui je pense, va petit à petit complètement changer la manière dont elle va être conduite, la filière Pharmacien-Ingénieur forme des ingénieurs qui sont avant tout des professionnels de santé. C’est-à-dire que cette filière forme des utilisateurs d’IA qui sont sensibilisés à un usage intelligent, modéré, et éthique de ces nouvelles technologies, pour que les premiers bénéficiaires soient et restent toujours les patients.
Penses-tu que ton double diplôme a facilité l’obtention de tes stages ?
Oui, il est certain que ce double diplôme ajoute une très forte crédibilité quand je me présente pour des entrevues, car il donne à la fois une forte légitimité scientifique et une originalité dans mon profil comparé aux autres candidats. De plus, il démontre une grande adaptabilité, capacité à l’effort, une bonne éthique de travail et ouverture d’esprit qui est souvent appréciée des recruteurs.
Pour quelles raisons recommanderais-tu à de nouveaux étudiants d’intégrer la filière Pharmacien-Ingénieur ?
Quand on sait à quel point le diplôme de Pharmacien est déjà très polyvalent, l’ajout d’une formation d’ingénieur ne fait qu’étendre un champ de compétences déjà très vaste. Si vous ne savez pas encore trop quoi faire en pharma, je pense que c’est la meilleure filière, car elle ne vous ferme aucune porte et vous en ouvre beaucoup. De plus, selon vos intérêts et emplois futurs, rien ne vous empêche d’être « plus » Pharmacien ou « plus » Ingénieur car vous serez les deux de toute façon. Aussi, certaines industries ont des grilles salariales plus avantageuses pour les doubles-diplômes, et sachant que vous ne serez qu’une vingtaine/trentaine à sortir chaque année de votre promotion, vous avez un pouvoir de négociation plus important.
Autre point, la filière Pharma-Ingé est très certainement la meilleure filière si vous voulez faire de la recherche, en particulier car elle vous offre la possibilité de diversifier votre formation et vos compétences. Aujourd’hui les plus grandes avancées en médecine sont faites dans des équipes extrêmement multidisciplinaires où la diversité des compétences et des profils est souhaitée, voire favorisée. Un exemple concret que je trouve passionnant, est qu’il a été démontré que le simple fait de moduler les propriétés mécaniques d’un milieu (élasticité, viscosité, et rigidité) pouvait changer le phénotype des lymphocytes T. On voit donc très bien ici qu’avoir des notions de mécanique est pertinent en l’immunologie et en biologie en général.
Quel(s) conseils donnerais-tu à la nouvelle promotion ?
Mon premier conseil est d’apprendre à mettre en avant votre formation en entretien ou lors de rencontres professionnelles, c’est-à-dire de faire comprendre à la personne en face que vous n’êtes pas moitié pharmacien et moitié ingénieur, mais que vous valez au moins deux fois plus qu’une personne qui n’aura qu’un des deux diplômes. Cela peut par exemple se faire par l’explication d’un de vos projets à l’école ou lors d’un évènement type hackathon auquel vous auriez participé, tout en étant capable de donner un avis pertinent sur l’utilisation d’un médicament X en remettant le patient et son bien-être au centre de votre réflexion. De plus, cela vous permettra d’amener la conversation vers vos réalisations scolaires/extra-scolaires qui sont les points qui vous démarqueront des autres candidats.
Mon deuxième conseil est que vous devez absolument comprendre que votre réseau emmènera dans la très grande majorité des cas votre début de carrière là où vous voulez qu’il aille. Si vous n’avez pas de réseau, commencez le plus tôt possible : engagez-vous dans les associations étudiantes et parlez aux profs de l’ISPB et de votre école qui sont des experts dans leur domaine. En discutant avec ces personnes, vous découvrirez peut-être des opportunités chez un(e) de leur collègue ou alors qu’ils connaissent le responsable RH de l’entreprise où vous voulez aller. Enfin, n’oubliez pas que vous n’avez rien à perdre à envoyer un mail à quelqu’un, car au mieux vous obtiendrez un entretien et au pire vous n’aurez pas de réponse. Cependant, veillez toujours à rester honnêtes, sincères, respectueux et surtout humble dans vos démarches car cela peut au contraire se retourner contre vous et vous bloquer.
Avez-vous gardé des liens avec vos anciens camarades de promotion ?
Oui, j’essaie de garder des liens avec mes camarades les plus proches mais c’est assez difficile lorsque ça fait déjà 2 ans qu’on est partis de France. On se retrouve cependant chaque fois que je reviens en France pour les fêtes de fin d’année par exemple.
Léo-Paul Tricou au centre accompagné de KaiLan Mackey (à gauche) Bioengineering undergraduate student au Harvard College et Ella Foulkes (à droite) Physics undergraduate student au Harvard College. Photo par Adina Barteld (photographe) Life Sciences graduate student à l'ETH.
Les hydrogels sont des matériaux très utilisé en génie biomédical à base de polymères naturels et/ou synthétiques composés à plus de 90% d’eau, permettant de mimer la structure et les propriétés mécaniques et rhéologiques de tissus. Au Freedman Lab, ils ont développé un hydrogel innovant bio-inspiré du mucus sécrété par Arion subfucus, une espèce de limace qui lui confère une élasticité et une résistance exceptionnelles (en bleu sur la photo). Pour plus d’informations concernant les applications de ce genre de technologie, visitez la page Google Scholar et le site du Freedman Lab pour retrouver ses publications.